Critique de l’Agilité Digitale

Linkedin le 24 mai 2017

Critique de l’Agilité Digitale

Sur 100 projets IT, près de 30 sont considérés réussis, 50 dérapent et 20 sont des échecs !

Critique de l’Agilité Digitale

Publication le 24 mai 2017

Critique au sens discerner les bonnes et les mauvaises pratiques. Critique pour comprendre le paradoxe « Intentions VS Conséquences » de l’Agilité Digitale.

« Merisien » de formation, empiriste passionné mais raisonné, pratiquant l’abstraction et la modélisation des Systèmes d’Information, adepte des méthodologies agiles et classiques (Merise, RAD, XP, Scrum, UP, …) et des référentiels et normes IT (ITIL, CMMI, ISO 20000, … ), avec ma longue expérience en transformation digitale, que se soit en amont, pendant, ou en aval des projets IT, j’en viens aux critiques de l’Agilité Digitale. Critiques, non pas pour la déconstruire, mais pour réellement maîtriser et améliorer l’usage de l’agilité dans le digital, tout en s’attachant à ce qui nous a permis de progresser ces deux dernières décennies et de garder ce qui est bon comme valeurs et principes de l’Agilité Digitale. En même temps, comment être en rupture avec tout ce qui nous a éloignés et nous a empêchés d’exceller et de progresser sur le champ du management de projets IT.

L’Agilité Digitale est un vaste sujet d’investigation et un thème de réflexion méthodologique. Il n’y a pas lieu de l’aborder superficiellement. Et ce n’est pas en un seul post sur Linkedin que le sujet sera traité. A ce titre, je présente et publie cet article en 3 parties dont la dernière comme synthèse et conclusion. L’article complet sera proposé en téléchargement comme un « livre blanc » au format PDF.

Partie I : Progrès et Paradoxe de l’Agilité Digitale.

Le besoin de progresser …

… Progresser vers quoi ?

De l’Homo sapiens (« Homme savant ») au Scrum Master (« Homme agile »), l’Homme a toujours eu un besoin continu, vital et naturel de progresser. L’expérience et l’histoire nous enseignent qu’il n y a pas de progrès sans changement.

Tout changement apporté par l’action humaine doit être corrélé causalement à au moins une amélioration : pour faire mieux, pour corriger, pour s’adapter, pour mettre à niveau, pour innover ou pour créer, pour réformer le système même s’il est toujours en capacité de produire, dès lors que l’environnement change. Sans changement, dans ce monde en transformation permanente, nous ne saurons pas concurrencer ceux qui progressent, ceux qui innovent et ceux qui évoluent.

Le progrès est possible par la création de connaissances et l’acquisition de savoir-faire : L’Homme était et reste toujours en quête de comprendre son environnement, là où il joue son existence (terrain de jeu), de connaitre comment s’ajuster à son espace et à son temps (règles du jeu) s’ajuster au sens évoluer, adapter et juste, et enfin, maîtriser son destin (but du jeu). 

Avec le temps, le besoin d’hier, simple et primitif, nécessita, pour l’exaucer, peu de ressources, et un minimum de temps, de connaissance, d’intelligence, d’outil et sans impact sur l’environnement, contrairement en cette ère contemporaine, où l’Homme invente des besoins de plus en plus complexes, éphémères, artificiels et sophistiqués. Une sophistication qui transforme l’Homme en « DataVore ». Avec le temps, le terrain de jeu s’est rétréci, les règles se contredisent, et le but se consume rapidement. Comme si le temps se compresse, se déforme et s’accélère.

Le besoin de l’Homme contemporain, est-il à son apogée dans la pyramide de Maslow ?

Étymologiquement, le concept de « Progrès » désigne la progression d’une équipe, comme une mêlée du rugby (Scrum en anglais), en mettant en œuvre des actions pour atteindre un objectif.

Pour les premiers hommes, confrontés aux problématiques du progrès, du travail en équipe et du management, la question brulante était et reste :

Quelle démarche et quels préceptes de management appropriés au contexte du travail ?

Aux environs du début du XVII siècle, à La Haye (Pays-Bas), un homme nommé Descartes proposait une méthodologie, pour éviter l’échec de ce que l’Homme entreprend comme complexe et dans la durée : « Le Discours de la méthode » publié en 1637 : « … Le second, de diviser chacune des difficultés que j’examinerais, en autant de parcelles qu’il se pourrait et qu’il serait requis pour les mieux résoudre.… ».

Un peu plus de 3 siècles après Descartes, entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle, une nouvelle approche de l’organisation scientifique du travail et du management est formalisée et assimilée au taylorisme. Comme Descartes, Taylor prône une division extrême du travail (la parcellisation des tâches de Descartes). Une doctrine où la maîtrise d’œuvre (MOE) devient un simple exécutant dans un environnement industrialisé où les règles et les processus sont institutionnalisés. Près d’un siècle de pratiques du management scientifique du travail imposées par « ceux qui savent » à « ceux qui font ». 

Maîtrise d’ouvrage VS Maîtrise d’œuvre ?

En un siècle, l’Homme a tout transformé : de « l’ère industrielle » à « l’ère du digital » en passant par la période « post-industrielle ». Le travail s’est transformé, les usines se sont délocalisées, les méthodes ont changées, les frontières se sont effacées, les besoins sont transmutés, les connaissances se sont enrichies, les cadences se sont amplifiées, et les technologies sont devenues de plus en plus innovantes. Du simple calcul à l’intelligence artificielle : le champ des possibles s’est élargi. On est passé du « Cogito » de Descartes à « J’IPhone donc je suis » de la « Génération Z », aussi appelée « Génération C » pour Communication, Collaboration, Connexion et Créativité.

Un siècle après, le Digital est-il réellement à portée de main ?

Dans ce cosmos digital, une nouvelle façon de faire émergeait depuis quelques décennies : l’Agilité. D’après ses auteurs et ses disciples, l’Agilité est une approche de gestion de projets, en « opposition » aux méthodes « classiques » inspirées du taylorisme et du cartésianisme (méthode Merise, approche en cascade, en V, en W, avec une seule itération, besoin complètement formalisé, une planification rigide du projet, avec des étapes divisées et prédéfinies). De cette nouvelle façon de faire est née une nouvelle espèce d’Homo sapiens : Le « Manager Agile » évolutif et adaptatif à l’extrême.

L’Agilité est apparue juste après le mouvement de déréglementation qui s’est amplifié après la chute du mur de Berlin en 1989, après la supposée « fin » de la guerre froide. L’approche s’est propagée dans le monde professionnel occidental et émergeant lors des deux dernières décennies. Adopter l’agilité pour affronter les aléas d’une concurrence mondialisée et aiguë.

L’Agilité, un phénomène enfanté par la mondialisation ?

La maîtrise du mode opératoire (RAD, UP, XP, SCRUM, …) de cette nouvelle approche est devenue un gage et un levier des DSI dans un environnement économique et technologique de plus en plus concurrentiel.

L’agilité est la clé de la compétitivité ?

Mais, concrètement, c’est quoi l’agilité ?

L’approche Agile (la gestion de projet, méthodes projets, paradigme/esprit … agile) découle du principe que formaliser tout le périmètre du produit et planifier l’intégralité du projet, en amont de la phase de développement, est une façon de faire vouée à l’échec.

L’agilité c’est la capacité de l’équipe projet (MOA et MOE) à s’adapter, à corriger, à comprendre et à intégrer de nouveaux changements et besoins qui surgissent durant la réalisation du produit. A ce titre, une méthode agile utilise un mode itératif, incrémental et collaboratif pour optimiser la réalisation du produit et augmenter la satisfaction du client.

Les préceptes de l’Agilité sont formalisés par le « Manifeste Agile » écrit et signé depuis 2001 par un groupe d’agilistes ; parmi eux, les fondateurs des méthodes XP, Scrum et plusieurs autres experts de l’industrie logiciels. Ce Manifeste synthétise les valeurs et les principes du paysage méthodologique de l’agilité des années 1990 à 2001. Il est composé de 4 valeurs et de 12 principes (http://agilemanifesto.org/iso/fr/manifesto.html)

Telle qu’elle est définie et pratiquée, l’approche agile n’est donc qu’une approche abstraite et sommaire, et c’est à l’équipe de concrétiser, de mettre en œuvre et d’adapter les valeurs et principes de l’agilité pour aboutir à une instance de méthode : une expérience unique. C’est le « Libre arbitre » comme faculté et volonté de l’équipe à tracer son chemin et à définir sa « propre méthode », par opposition au déterminisme d’une « méthode accomplie ».

Intentions VS Conséquences : Le paradoxe de l’Agilité 

« .. En moins d’une décennie, l’humanité produit plus de connaissances nouvelles que dans les sept mille dernières années de son histoire » disait Idriss Aberkane (enseignant, conférencier et essayiste français. Malgré cette concentration et excroissance des connaissances et des savoirs, malgré l’investissement massif et l’immersion du monde professionnel dans ce nouveau cosmos digital, l’échec de ce que le « Manager Agile » entreprend, en particulier les projets IT, ne s’améliore pas. Un changement de paradigme et de préceptes sans bond vers le progrès. Malgré l’ampleur des changements et les ruptures opérées, le progrès n’est pas au rendez-vous. A défaut de changer sa façon de voir, le manager change sa façon de faire.

Tout professionnel du Digital s’accorde à dire que les « valeurs et les intentions » de l’Agilité et du Manifeste Agile ne s’accordent pas avec les « conséquences et résultats » du management de projets IT : 2/3 des projets IT échouent (projets abandonnés ou non maîtrisés).

Selon plusieurs études (McKinsey, Standish Group, Evans Data, Daylight, …), depuis le début des années 90 à ce jour, le taux d’échec est en moyenne de 70% et maintenu entre 60% et 80%.

Toujours selon le « Standish Group CHAOS report 2015 », la répartition des projets en succès en fonction de l’approche utilisée (Agile ou Classique), illustrés ci-dessous, montre que le succès des projets agiles, quelle que soit leur taille, certes est plus élevé mais loin d’« éradiquer » le phénomène d’échec qui est de 61%. 

Le paradoxe « Intentions VS Conséquences » du management de projets IT n’est pas vraiment visible ou plutôt mal accepté, peu débattus et dans certains cas voilé volontairement. Ce paradoxe est presque inexistant dans d’autres secteurs et métiers hors IT.

Cas n° 01 : Imaginer que vous avez un besoin de construire votre maison, « LE » projet de votre vie. Vous sollicitez donc un entrepreneur de BTP pour un devis avec estimation du risque d’échec, et il vous formule la proposition suivante : « Votre maison vous couteras 20 ans de crédit avec un risque d’échec à 70% ».

Cas n° 02 : Pour des raisons de performance sportive, un joueur professionnel souhaite se faire opérer la cheville, le chirurgien le rassure en lui expliquant que « la salle d’opération est équipée des dernières technologies et innovations, … mais avec 70% de risque d’arrêter de jouer après l’intervention ».

A ce niveau de risque culminant, le BTP et la chirurgie ne seront pas ce qu’ils sont aujourd’hui : Des métiers matures et maîtrises. Aucune personne raisonnable, sauf le fou, n’accepterait vraisemblablement de signer ce type de devis. 

Alors, pourquoi l’« Homme savant et agile » réussit-il moins les projets IT, à l’inverse des autres métiers de l’activité humaine ?

Comme vous l’aviez probablement remarqué, cette première partie apporte des questions plutôt que des réponses. Confucius disait « Je ne cherche pas à connaître les réponses, je cherche à comprendre les questions ». C’est là éventuellement une des failles de l’Agilité Digitale : Implémenter le produit avant même de comprendre le besoin, faire vite en simplifiant les choses sans avoir une vision globale, sans comprendre la synergie et l’alignement « Business & Digital » …

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